BEAUTÉ HYPNOTISANTE

LA PEINTURE ANIMALIÈRE DÉPLOIE SES PLUS BEAUX ATOUTS À LYON, AVEC UNE PAIRE DE TOILES DES PLUS SÉDUISANTES DU PEINTRE FLAMAND DU XVIIe DAVID DE CONINCK.

UN ART PARFAITEMENT MAÎTRISÉ.

Les yeux dans les yeux : l’impressionnant plumage de ce majestueux paon attire notre regard. Ponctuée d’innombrables ocelles, cette livrée est une arme fatale lors de la parade amoureuse. D’une beauté forcément divine, le paon est présent dans la mythologie grecque. Il est l’animal favori de la déesse Héra, épouse de Zeus. C’est d’ailleurs cette dernière qui déposa sur la queue de l’oiseau les yeux de son gardien et fidèle compagnon, le géant Argos, tué par Hermès alors qu’elle l’avait chargé de surveiller Io, la maîtresse de son infidèle mari…



Symbole solaire et de renouveau, le paon est un animal positif. Ses plumes, repoussant chaque printemps, incitent à la comparaison avec la résurrection du Christ, ses yeux témoignant encore de l’omniscience de Dieu. Mais, comme tout élément d’une nature morte nordique, la créature a son côté obscur. N’est-elle pas aussi un symbole de vanité ? De la même manière, son acolyte le perroquet, présent dans le pendant de cette toile, peut évoquer tantôt la pureté originelle, tantôt une vaine et sotte logorrhée. Au-delà de leurs significations symboliques, ces deux superbes volatiles demeurent néanmoins des modèles parfaits pour une scène animalière. Leur beauté n’a pas d’égale ! Véritables produits de luxe, on ne trouve leurs représentations que dans de grandes maisons. La bourgeoisie marchande, en plein essor à cette époque dans les Pays-Bas, est friande de ces peintures voulant rivaliser avec la nature. Un tour de force d’autant plus alléchant que l’on connaît alors de mieux en mieux la faune et la flore, grâce à l’édition des premières encyclopédies, mais aussi aux incroyables cargaisons des bateaux revenant de l’autre bout du monde.

UNE BANDE D’OISEAUX NORDIQUES
David de Coninck a relevé le pari du naturalisme. Spécialisé dans les paysages et natures mortes animés de nombreux animaux, il avait été à bonne école auprès d’un autre spécialiste du genre, Pieter Boel ; Anversois tout comme lui, ce dernier aimait surtout peindre des bêtes exotiques. Après sa réception à la guilde de Saint-Luc, en 1663, Coninck part en France, en compagnie de Nicasius Bernaerts. Il ne retrouve sa ville natale qu’en 1669, pour peu de temps. Direction cette fois l’Italie et Rome, où il rejoint la célèbre confrérie d’artistes nordiques des Bentvueghels, les «oiseaux de bande». C’est de cette époque que date son surnom de «Rammelaer», le «hochet». Il passe à Vienne, avant de revenir à Anvers en 1687. Son travail s’inscrit dans la lignée de Jan Fyt, dont Pieter Boel fut l’élève. De Coninck ne signant d’ailleurs pas ses œuvres, ces dernières sont parfois confondues avec des peintures du maître.

Les deux artistes proposent des compositions baroques similaires, relativement complexes et aux importants effets décoratifs. David de Coninck s’écarte tout de même de cette profusion d’éléments qu’aime tant Jan Fyt, se concentrant plus volontiers sur quelques animaux ou fleurs, qui n’envahissent pas totalement son tableau. Les détails d’architectures antiques rappellent le séjour italien de l’artiste. Enfin, à l’arrière-plan, un paysage d’extérieur porte le regard du spectateur vers une nature que l’on devine immense et attirante.

Par Caroline LEGRAND – LA GAZETTE DROUOT N° 9 DU 3 MARS 2017